Le chant du Zéphyr
Je suis le messager des amants, je porte les soupirs de ceux qui se lamentent
à cause de l'amour.
Je transmets avec fidélité les secrets des amoureux, et je redis les
paroles telles que je les ai entendues.
Je suis tendre aux voyageurs de l'amour. Pour eux mon haleine se
fait plus douce, et je m'épuise en cajoleries et badinages.
Je règle cependant ma conduite sur celle de l'amant. S'il est bon, je le caresse d'un souffle odorant ; mais s'il est méchant, je le modeste d'un souffle importun.
Si mon frémissement agite le feuillage, celui qui aime ne peut retenir ses soupirs. Et dès que mon murmure le caresse, il dit ses peines à l'oreille de
sa maîtresse.
La douceur et la tendresse composent mon essence, et je suis comme un luth parmi l'air incandescent.
Si je suis mobile, ce n'est point l'effet d'un vain caprice, c'est pour suivre mes soeurs les saisons dans leurs variations et leurs cours.
On me dit utile, alors que seulement je suis charmant. Dans la saison du printemps, je souffle du nord, fertilisant ainsi les arbres, et rendant la nuit semblable au jour.
Dans la saison chaude, je prends ma course de l'orient, pour favoriser les fruits et vêtir les arbres de leur beauté plénière.
En automne, je viens du sud, pour que les fruits, mes bien-aimés, atteignent leur perfection et mûrissent sagement.
En hiver enfin, je prends ma course de l'occident. Et de la sorte je soulage mes amis les arbres du poids fatiguant de leurs fruits, et je sèche les feuilles pour conserver la vie aux belles branches.
C'est moi qui féconde le palmier, qui révèle à l'amante les secrets du coeur qu'elle a enflammé, et c'est mon haleine parfumée qui annonce au pèlerin de l'amour qu'il approche de la tente de sa bien-aimée.
Extrait du livre Les Mille et Une Nuits