Nouveau débat sur le piratage sur le Web
Né du rapport de Denis Olivennes, alors PDG de la Fnac, le projet de loi prévoit qu'un internaute téléchargeant illégalement risque une suspension de son abonnement Internet. Des critiques s'élèvent d'ores et déjà contre ce texte.
Le gouvernement s'attaque au piratage sur internet: un projet de loi instituant une riposte graduée envers les fautifs, allant du simple avertissement jusqu'à la suspension de l'abonnement internet pour une durée pouvant aller jusqu'à un an, a été présenté mercredi en conseil des ministres.
"Il n'y a aucune raison qu'internet soit une zone de non-droit", a déclaré lors de ce conseil le président Nicolas Sarkozy, cité par le porte-parole du gouvernement Luc Chatel. Si rien n'est fait, "un jour ou l'autre il n'y aura plus de création", a estimé le chef de l'Etat.
Le projet de loi "Création et internet" répond à une "situation d'urgence", a considéré la ministre de la Culture, Christine Albanel, lors d'une conférence de presse. L'industrie musicale a vu son chiffre d'affaires fondre de 50% en cinq ans et le cinéma et la télévision commencent à leur tour à ressentir les effets de la crise, a-t-elle relevé.
"Nous savons que nous n'allons pas éradiquer le problème du piratage à 100% mais nous pensons que nous pouvons le réduire significativement", a déclaré Mme Albanel. "Si nous arrivons à faire baisser de 70% à 80% les actes de piratage, ce sera déjà considérable. C'est l'objectif", a poursuivi la ministre en soulignant que la France est "numéro un dans le monde" en matière de téléchargement illégal.
En 2006, un milliard de fichiers piratés d'oeuvres musicales et audiovisuelles ont été échangés dans l'hexagone.
Pour lutter contre ce phénomène, le projet de loi crée une Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l'internet (Hadopi), que les ayants droit pourront saisir s'ils constatent que leurs oeuvres font l'objet d'un téléchargement illicite.
L'Hadopi enverra alors un premier avertissement par courriel puis un second par lettre recommandée pour demander à l'internaute de cesser. "Cela sera massif. Des milliers de mails seront envoyés chaque semaine" par l'Hadopi, via les fournisseurs d'accès, a averti Mme Albanel.
Après cette phase préventive et pédagogique, l'autorité administrative pourra passer aux sanctions si le téléchargement illégal persiste. L'internaute risquera une suspension de trois mois à un an de son accès à internet. Sauf s'il accepte une transaction et s'engage par écrit à ne pas recommencer, auquel cas la coupure ne sera plus que de un à trois mois.
Pour les entreprises, le texte prévoit une mesure alternative. L'Hadopi demandera à l'employeur d'installer des "pare-feux" pour empêcher les salariés de faire du téléchargement illégal depuis leur poste de travail.
Le projet de loi devrait être présenté au Sénat à l'automne. La ministre voudrait que la loi entre en application au 1er janvier 2009.
D'ores et déjà des critiques se sont élevées contre ce texte. Le quotidien Libération fait sa une mercredi sur "les flics du clic". L'association de consommateurs UFC-Que Choisir évoque dans un communiqué "un projet monstrueux conçu par les marchands de disques pour leur intérêt exclusif".
Le projet de loi constitue la transcription législative des accords de l'Elysée préparés par l'ancien pdg de la FNAC Denis Olivennes et signés le 23 novembre par une quarantaine d'organismes représentant les secteurs de la musique, du cinéma et les fournisseurs d'accès à l'internet.
Actuellement, le téléchargement illégal se règle uniquement au pénal. Le contrevenant risque jusqu'à 300.000 euros d'amende et trois ans de prison. Face aux actes de piratage caractérisés, les ayants droit pourront toujours se tourner vers le juge.
AFP[/b]