Un bateau fabriqué avec des bouteilles en plastique va traverser le
Pacifique
Le Plastiki, catamaran construit avec des milliers de bouteilles en plastique, effectue actuellement ses essais de navigation dans la baie de San Francisco. Le prototype va ensuite traverser le Pacifique : 3 mois de mer pour faire passer un message sur les déchets.
Nous sommes à Sausalito, petit « Saint-Tropez » de la baie de San Francisco.
C’est là que le catamaran Plastiki a élu domicile en attendant le jour J. Mis à l’eau en décembre 2009, le bateau effectue ces jours-ci ses derniers essais avant le départ pour Sydney. « C’est un navire vraiment solide ! », affirme la jeune skipper britannique Jo Royle, trente ans et déjà plusieurs tours du monde à son actif. « Quand je navigue dessus, je n’ai pas du tout l’impression que c’est un bateau fabriqué à partir de bouteilles plastique. Je me sens tout à fait en mesure de traverser le Pacifique dessus ! ». Avec énergie, cette petite blonde souriante hisse la grande voile flanquée du logo rose « Plastiki ». Quand Jo est à la barre, tout le monde lui obéit au doigt et à l’œil.
Prouesse technologique. Pas moins de 12.500 bouteilles en plastique ont été nécessaires à la construction du Plastiki. « C’est un navire unique, entièrement fabriqué à partir de sr-PET, de polyéthylène téréphtalate renforcé », détaille Matthew Grey, le directeur de l’expédition. C’est lui qui pilote le projet depuis le début. « Nous avons récupéré les bouteilles en plastique auprès d’un recycleur de San Francisco, ajoute-t-il. Nous avons renforcé la matière plastique avec des fibres synthétiques portées à 200 C°. Le tout donne un matériau totalement nouveau, à la fois très résistant et entièrement recyclable ».
La structure du catamaran est en plastique, tout comme la cabine et même la voile. Seuls quelques rares éléments sortent du cahier des charges : par exemple le moteur d’urgence, les hublots ou encore le mat, en aluminium. « Ce qui est très excitant dans ce projet Plastiki, c’est que nous avons réussi à repousser les limites de ce qu’il était jusque-là possible de faire en terme d’énergies vertes », explique son concepteur David de Rothschild. « Nous avons travaillé avec beaucoup d’ingénieurs et d’experts pour parvenir à bâtir ce catamaran et je pense que nous avons atteint notre double objectif : d’abord construire un navire performant. Et ensuite montrer que l’on peut réutiliser des déchets pour construire autre chose de durable ».
Gentleman aventurier. David de Rothschild est un membre de la célèbre famille de banquier anglais Rothschild. Autant dire que le jeune homme, la trentaine sautillante, n’a pas beaucoup de soucis à se faire d’un point de vue financier. La célèbre marque de chaussures Nike lui a d’ailleurs dessiné une paire de baskets spéciales pour l’expédition Plastiki, des baskets frappées à l’effigie de son propre chien. Preuve -si besoin est- que l’homme a des relations...
Toutefois, il faut reconnaître que David de Rothschild a plus qu’un nom célèbre. Son pedigree d’aventurier ne laisse en effet pas indifférent : en 2006, il a ainsi traversé l’Arctique en trois mois (à ce jour, seules 42 personnes au monde ont réussi cet exploit) ; avant cela, il avait fait partie de la petite douzaine de courageux à avoir jamais traversé l’Antarctique. En créant il y a cinq ans sa propre structure, baptisée « Adventure Ecology », le fortuné jeune homme a donc décidé de mettre sa notoriété au service de la protection de la planète. Il a ainsi publié, en 2007, un petit manuel sur les moyens de lutter au jour le jour contre réchauffement climatique.
Message vert. Pour David de Rothschild, le plastique n’est pas un ennemi en soi. Au contraire. A travers le projet Plastiki, le jeune homme tente plutôt d’attirer l’attention sur les avantages que les industriels pourraient tirer d’un meilleur usage des déchets plastiques dans l’avenir. « 38 milliards de bouteilles en plastique se retrouvent dans la nature chaque année, rien qu’aux Etats-Unis, dit-il. Or, comme elles sont 100% recyclables, elles pourraient servir à bien d’autres choses ! Si nous arrivons sains et saufs à Sydney, j’espère que cela incitera des entrepreneurs à se pencher plus concrètement sur les vertus du plastique recyclé ».
A bord du Plastiki, six membres d’équipage vont bientôt prendre place. Parmi eux, des marins, mais aussi des scientifiques. L’expédition à travers le Pacifique sera en effet l’occasion de récolter de nouvelles données sur la santé de cet océan. « Nous allons nous focaliser sur la qualité de l’eau car, en certains endroits, le Pacifique est une vraie poubelle, nous allons aussi rapporter des échantillons d’eau pour réaliser ensuite des tests en labo », détaille David de Rothschild. Le bateau doit faire escale à Honolulu, dans l’atoll de Bikini ou encore à Nouméa. L’arrivée à Sydney est prévue pour le mois de juin 2010.