Dictionnaire élémentaire de l'Islam
par Tahar Gaïd
[extraits]
ÉPOUSES (du Prophète)
Le Prophète, du point de vue mariage, avait des privilèges que les autres croyants n'avaient pas. Ainsi Dieu déclara licite le nombre d'épouses dotées par son Envoyé et énuméra les alliances conjugales qu'il pouvait contracter. L'autre privilège concernait le douaire sans lequel le mariage, en droit musulman, est nul. Par cette expression " qui offre elle-même sa main ", le Seigneur exemptait son Messager de cette dotation : "O toi, le Prophète. Nous avons déclaré licite pour toi les épouses auxquelles tu as donné leur douaire, les filles de ton oncle maternel, les filles de tes tantes maternelles -celles qui avaient émigré avec toi-ainsi que toute croyante qui se serait donnée au Prophète, pourvu que le Prophète ait voulu l'épouser. Ceci est un privilège qui t'est accordé, à l'exclusion des autres croyants" (S. XXXIII, 50).
Par contre, Dieu interdit au Prophète et par voie de conséquence à tous les Musulmans la pratique païenne des Arabes qui échangeaient leurs femmes définitivement ou temporairement comme Il lui avait interdit de prendre d'autres femmes autres que celles qu'il avait déjà épousées avant cette révélation : " Il ne t'est plus permis de changer d'épouses ni de prendre d'autres femmes, en dehors de tes esclaves même si tu es charmé par la beauté de certaines d'entre elles. -Dieu voit parfaitement toute chose " (S. XXXIII, 52).
Avant la prédication, à l'âge de vingt-cinq ans, le Prophète se maria à la veuve Khadija, fille de Khuwailid, son aînée de quinze ans. Il eut trois fils qui moururent en bas âge et quatre filles : Zainab, Ruqayya, Umm Kaltoum et Fatima. Il resta monogame jusqu'à la mort de Khadija. Il épousa par la suite, à différentes périodes, neuf femmes dont nous donnons une très brève biographie.
1 - Aïsha, fille d'Abu Bakr. Elle fut promise au Prophète quand elle avait à peine sept ans. Elle fut sa préférée. Nous lui devons l'énoncé d'un grand nombre de Hadith. Elle est la seule dont le Coran parle à la suite de ce qui est appelé l'affaire du collier. Elle rendit l'âme en 57 de l'Hégire.
2 - Hafsa, fille d'Omar. Elle fut veuve à l'âge de vingt-deux ans de Khumaï ibn Hudhafa qui mourut à la bataille d'Uhud. Contrairement à la grande majorité des femmes de son époque, elle savait lire et écrire.
3 - Umm Habiba, fille d'Abu Sufyan. Elle était précédemment marié à 'Ubaidallah ibn Jahch et l'accompagna en Abyssinie lors de la première émigration. Elle quitta son époux qui avait embrassé le christianisme. Au moment de son mariage, son père était encore un farouche adversaire de l'Islam.
4 - Sawda, fille de Zama'. Elle était d'abord mariée à as-Sukran ibn 'Am. Elle émigra en Abyssinie pour échapper aux persécutions des païens qoraïshites. Elle avait cinquante ans lors de son mariage avec le Prophète. Elle mourut sous le règne d'Omar.
5 - Umm Salama, fille d'Abu Umayya et proche parente de Khalid ibn Walid surnommé par le Prophète " l'épée de Dieu ". C'était une femme cultivée pour l'époque et écrivait des poèmes. Elle s'expatria en Abyssinie avec son premier mari nommé Abu Salama qui trouva la mort à la bataille d'Uhud. Elle fut rappelée à Dieu en l'an 61 de l'Hégire.
6 - Zaïnab, fille de Jahch, cousine du Prophète, précédemment marié à Zaïd ibn Haritha, esclave affranchi et fils adoptif de l'Envoyé de Dieu. Les circonstances du mariage, qui eut lieu en l'an trois de l'Hégire, sont décrites dans le chapitre relatif à l'adoption. Sa mort remonte à l'an 20 de l'Hégire.
7 - Juwaïriyya, fille d'al Harith, chef païen de la tribu des Banu Mustaliq qui, à la tête de sa tribu, fut battu par les troupes musulmanes. Juwaïriyya figurait parmi les captifs. Elle se convertit à l'Islam et demanda au Prophète de l'aider à payer sa rançon en échange de sa libération. Le Messager de Dieu lui proposa de devenir son épouse, demande qu'elle accepta. Elle décéda en l'an 57 de l'Hégire.
8 - Safiya, juive de Khaïbar, convertie à l'Islam. Le Prophète l'épousa en l'an 7 de l'Hégire après la reddition de sa tribu.
9 - Maymuma, fille d'al-Harith, autre que celui précédemment cité. Ell était veuve et âgée de trente-six ans au moment de son mariage qui eu lieu en l'an 7 de l'Hégire, une année après la trêve de Hudalbiya.
Le Prophète eut également deux concubines citées par la tradition Raïhana qui était juive convertie à l'Islam, et Maria, d'origine copte qui lui donna un fils nommé Ibrahim lequel mourut en bas âge.
A propos de tous ces mariages, Muhammad Hamidullah donne cette explication : "...d'après le Qur'ân, quatre est le nombre maximum de femmes qu'un Musulman a le droit de réunir en mariage. Le Prophète ne se sentait jamais au-dessus des lois qu'il énonçait. Pourquoi donc eut-il plus de liberté dans cette matière ? Était-ce un privilège particulier, basé su les révélations divines ? Le Qur'ân n'en parle pas ; et les traditions, basées sur les paroles du Prophète, ne renferment rien non plus sur ce point, que je sache. Reste une autre possibilité : la restriction du nombre d'épouse serait une décision postérieure à sa dernière célébration de mariage. Le faits ne contredisent pas cette hypothèse. "
Les scènes de ménage n'épargnaient pas la maison du Prophète, scènes parfois envenimées par la jalousie d'Aïsha. Elles avaient à un moment donné si exaspéré l'Envoyé de Dieu qu'il décida de se séparer de ses épouses pendant un mois avant de les reprendre. Une révélation énonça à cet effet les droits du Prophète en la matière : "Il n'y a pas de reproche à te faire si tu fais attendre celle d'entre elles que tu voudras et si tu recherches de nouveau quelques-unes de celles que tu avais écartées. Voilà ce qui est le plus propre à les réjouir, à leur ôter tout sujet de tristesse afin que toutes soient contentes de ce que tu leur accordes. -Dieu connaît le contenu de vos coeurs. Dieu sait tout et il est plein de mansuétude " (S. XXXIII, 51).
Les femmes du Prophète se montraient parfois exigeantes. Les expéditions avaient procuré aux Musulmans un butin considérable qui avait permis d'élever leur niveau de vie. Les épouses du Messager de Dieu ne recevaient pas les mêmes avantages que les autres femmes ; elles enviaient alors les beaux vêtements de ces dernières et, d'une façon générale, I'élévation de leur niveau social. Dieu les plaça devant le dilemme suivant : vivre dans l'opulence, et dans ce cas, elles devaient consentir à divorcer après avoir reçu tous les moyens matériels les autorisant à jouir des bienfaits de ce monde, ou bien, demeurer les épouses du Prophète mais accepter leurs conditions actuelles avec la certitude de bénéficier d'une belle récompense dans l'au-delà : " 0 Prophète ! Dis à tes épouses : si vous désirez la vie de ce monde et son faste, venez : je vous procurerai quelques avantages puis je vous donnerai un généreux congé. Si vous recherchez Dieu, son Prophète et la demeure dernière, sachez que Dieu a préparé une récompense sans limites pour celles d'entre vous qui font le bien" (S. XXXIII, 28, 29). Toutes les épouses optèrent pour la seconde solution.
Les épouses du Prophète étaient tenues d'avoir une conduite exemplaire et de soigner leur langage afin d'éviter les mauvaises interprétations que les débauchés et les malintentionnés tireraient de leurs propos : "0 vous, les femmes du Prophète ! Vous n'êtes pas comparables à aucune autre femme Si vous êtes pieuses, ne vous rabaissez pas dans vos propos afin que celui dont le coeur est malade ne vous convoite pas. Usez d'un langage convenable" (S. XXXIII, 32).
Dieu leur ordonna d'être dignes et de s'abstenir de toute forme de coquetterie qui rappellerait les moeurs des femmes du paganisme. Il leur était recommandé l'obéissance à Dieu et à son Prophète, ce qui les aidera à s'éloigner de toute imperfection. Cette recommandation s'adressait également à toute la famille du Prophète : " Restez dans vos maisons, ne vous montrez pas dans vos atours comme le faisaient les femmes du temps de l'ancienne ignorance. Acquittez-vous de la prière ; faites l'aumône, obéissez à Dieu et à son Prophète : o vous, les gens de la Maison ! Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement,"
"Souvenez-vous des versets de Dieu et de la Sagesse qui vous ont été récités dans vos maisons. Dieu est, en vérité, subtil et bien informé" (S. XXXIII, 33, 34).
Dieu leur ordonna aussi la discrétion ; elles ne devaient pas dévoiler les secrets révélés au Prophète comme ce fut le cas de l'une d'elles, Hafsa qui ébruita un fait qui n'aurait pas dû l'être : "Lorsque le Prophète confia un secret à l'une de ses épouses et qu'elle le communiqua à sa compagne, Dieu en informa le Prophète, celui-ci en dévoila une partie et garda l'autre cachée. Lorsqu'il l'eut avertie de son indiscrétion, elle dit : qui donc t'a mis au courant ? Il répondit : Celui qui sait tout et qui est bien informé m'en a avisé " (S. LXVI, 3).
En leur qualité d'épouses du Prophète, Dieu avait prévu pour elles une double peine pour toutes infractions aux préceptes de l'Islam, comparée la sanction réservée aux autres croyants pour la même faute. Inversement une double récompense leur avait été promise si elles se soumettaient fidèlement aux injonctions de Dieu et de son Prophète : " 0 vous, les femmes du Prophète ! Celle d'entre vous qui se rendra coupable d'une turpitude manifeste, recevra deux fois le double du châtiment. Cela est facile pour Dieu. Et nous accorderons une double récompense à celle d'entre vous qui est dévouée envers Dieu et son Prophète, à celle qui fait le bien, et nous lui avons préparé une noble part " (S. XXXIII, 30, 31).
Les femmes du Prophète étaient considérées comme les mères des croyants. A ce titre, après la mort du Prophète, elles devaient rester veuves car aucune personne ne se marie avec sa propre mère : "Vous ne devez pas offenser le Prophète de Dieu, ni jamais vous marier avec ses anciennes épouses : ce serait, de votre part, une énormité devant Dieu " (S. XXXIII, 53 ).