Des bactéries mangeuses de déchets s'apprêtent à voyager vers Mars
04 juin 13:54 - SOFIA (AFP) - Le jour où des astronautes partiront vers la
planète Mars, ils devront recycler leurs déchets au maximum pour y
arriver et pour ce faire une équipe bulgaro-russo-belge s'apprête à
envoyer des bactéries mangeuses de déchets dans l'espace.
"On n'a jamais validé notre connaissance sur le recyclage des
déchets dans l'espace. C'est la première fois qu'on y enverra des
bactéries anaérobies thermophiles de façon à comprendre leur
comportement", explique à l'AFP Christophe Lasseur de l'Agence spatiale
européenne (ESA), chef du projet Melissa. Lancé en 1989, Melissa prépare un voyage d'humains vers Mars, envisageable dans plusieurs décennies et qui devrait durer trois ans environ.
Si l'on excepte les missions Apollo, qui d'ailleurs étaient de
courte durée, "l'homme n'a jamais quitté l'orbite terrestre plus que
quelques semaines", rappelle M. Lasseur.
La distance relativement proche de la station MIR, puis de la
station spatiale internationale (ISS), a permis aux astronautes
d'apporter avec eux tout le nécessaire et de rapporter leurs déchets
sur terre, ajoute-t-il en marge d'une récente réunion de l'ESA à Sofia.
Or, ce ne sera pas possible lors d'un voyage vers Mars car le
minimum de consommation par jour pour rester en vie s'élève à environ 1
kg d'oxygène, 1 kg de nourriture, et 3 kg d'eau. Pour une mission de 6
personnes pour 1.000 jours, cela fait 30 tonnes qu'aucun vaisseau ne
pourrait porter, précise-t-il.
La solution offerte par Melissa réside dans le développement d'un
écosystème fermé où les déchets organiques seront "recyclés" par des
bactéries non consommatrices d'oxygène lesquelles réduiront leur volume
en dégageant du CO2 à utiliser par des algues et des plantes
productrices d'oxygène.
Selon le professeur Viachheslav Ilyn de l'Institut des problèmes
médico-biologiques à Moscou, il s'agit surtout de réduire le volume des
déchets résultant de l'hygiène personnelle. Dans l'espace les
cosmonautes ne prennent pas de douche, mais s'essuient avec des
serviettes. Celles-ci sont aussi utilisées à traiter des surfaces très
contaminées par des champignons qui se multiplient dans le vaisseau
cosmique, précise-t-il.
L'appel d'offres pour l'essai des bactéries anaérobes thermophiles
dans l'espace a été remporté par l'Institut de microbiologie auprès de
l'Académie bulgare des Sciences. Ce projet nommé ANDIOMUM (étude de la
digestion anaérobie de matière organique dans les conditions de
microgravité) s'inscrit dans un effort de l'Agence spatiale européenne
à encourager une participation des nouveaux Etats membres de l'UE à ses
projets.
"En gagnant cet appel d'offres les Bulgares ont gagné un ticket pour faire voler leur expérience", a indiqué M. Lasseur.
Les premières de ces bactéries seront expédiées dans l'espace au
printemps 2009, selon le chef du projet ANDIOMUM, le professeur Ivan
Siméonov de l'institut de microbiologie auprès de l'Académie bulgare
des Sciences.
"Nous enverrons des bactéries à un stade différent de leur
développement pour les laisser 10 jours dans l'espace. Parallèlement
nous ferons la même expérience sur terre pour comparer" les effets,
explique-t-il.
"La vie sur terre est née dans des conditions constantes de gravité.
La microgravité (la gravité fortement réduite dans l'espace) est pour
ces bactéries un état de stress, il faut voir si elles sont capables
d'y survivre", indique-t-il.
En Belgique le professeur Max Mergeay, chef du laboratoire de
microbiologie au Centre de recherches nucléaires, tente, lui, de
simuler la microgravité pour explorer son effet sur des bactéries
anaérobes. Mais lui aussi préfère analyser le véritable effet de
l'espace où s'ajoute une radiation élevée.
"Le contrôle sur l'écosystème artificiel pour éviter sa
contamination constitue un très grand défi", prévient le chercheur
belge.