AVANCÉE DE LA MER SUR LES ILES CASAMANCAISES
Les belles plages du « Kassa » menacées de disparition
L’un des atouts qui fondent sa réputation de belle et paisible Casamance, c’est sans doute les plages fabuleuses enfermant des bandes de terres pittoresques qui réinventent le paradis terrestre. Mais cette beauté hallucinante, qui en fait une destination paradisiaque des plus courues du pays, est en train, peu à peu, de se perdre entre les vagues impétueuses de l’océan peu soucieux des jérémiades des populations insulaires. Aussi, les insulaires ne ratent-ils aucune occasion pour tirer la sonnette d’alarme sur cette problématique qui a fini de prendre une ampleur inquiétante dans les îles du « Kassa ».
Katakalousse, à une trentaine de minutes de Ziguinchor, sur l’axe menant vers l’oasis du Cap-Skiring. En cette après-midi d’été, aux couleurs éclatantes de la Casamance, en compagnie des autorités de la Communauté rurale de Djimbéring, une équipe de journalistes embarque à bord d’une pirogue pour s’engager dans un labyrinthe de bolongs et de lagunes à la conquête des îles mirifiques du Kassa.
Le paysage est d’une beauté hallucinante. Sa somptuosité, comme dans un conte de fée, subjugue la pensée insatiable des passagers qui s’en délectent. On se laisse volontiers bercer par la splendeur exquise d’une nature exceptionnellement généreuse qui s’offre à perte de vue à nos regards.
La belle végétation de mangroves et ses huîtres d’eaux saumâtres accrochées aux racines de palétuviers éblouissent les yeux dévorants des aventuriers au point de leur faire oublier la forte canicule de ce soleil d’été qui s’abattait sur leurs corps offerts.
Des dizaines de mètres engloutis par les eaux
Une seule pensée semblait occuper les esprits : comment faire pour revenir très souvent dans ce milieu débonnaire qui donne à la Casamance tout son lustre naturel. Ourong, la première île rencontrée, incarnait déjà l’expression de cette splendeur qui cache pourtant des difficultés insoupçonnées. Il s’agit principalement des menaces de disparition qui pèsent sur les berges de l’ensemble des îles de la région. Dans le « Kassa », le phénomène a fini de prendre des proportions inquiétantes. Plusieurs dizaines de mètres ont déjà été englouties par les eaux sous l’œil impuissant des populations de ces localités de la région jadis considérées comme des paradis sur terre.
Le paysage de cocotiers et de palmiers entremêlés à des filaos géants bordant les plages au sable fin des îles risque, si rien n’est fait, d’être raconté, dans un avenir peu lointain et principalement pour la postérité, comme une légende des temps anciens.
Hantise des populations
L’on comprend dès lors la hantise des populations face à l’avancée de la mer, le long des côtes des îles de la Casamance. De Diogué à Carabane, en passant par Niomoune, Hitou, Ehidj, Wendaye, Kachouan, Gnikine et Sifocka, il n’est point besoin d’être un spécialiste de l’environnement pour appréhender les menaces réelles qui pèsent sur les côtes de ces îles du Kassa. Le témoignage du jeune piroguier, qui nous transportait, est des plus alarmants.
Amath Seck, de son vrai nom, atteste en effet que Ourong, l’île qui l’a vu naître, a déjà perdu une dizaine de mètres. « Vous avez vu là où on accoste aujourd’hui, il y a quelques années c’était un peu plus en profondeur », regrette déjà nostalgique notre guide du jour. Et sa désolation semble partagée par certains acteurs locaux du développement.
Comme dans un concert de cris de détresse, ces derniers, visiblement dépassés par l’ampleur du phénomène, interpellent les pouvoirs publics, les invitant à se rendre sur place pour constater de visu le phénomène et prendre les mesures idoines qui s’imposent à la situation.
Le cas de l’île de Diogué, à l’entrée de l’embouchure du fleuve Casamance, est également révélateur.
A Wendaye également, les belles cases à impluvium qui constituent sans doute l’une des richesses touristiques les plus originales de la région, sont aujourd’hui menacées de disparition. Et comme si cela ne suffisait pas, l’eau potable est devenue une denrée rare. La nappe phréatique, qui affleure, se mêle aujourd’hui aux eaux saumâtres charriées par les vagues. Ce qui a fini de mettre à nu toute la problématique de l’eau potable chez les insulaires du Sud.
Outils rudimentaires
A Kachouan, dans le Djimbéring, le cimetière, qui était jadis à une vingtaine de mètres des côtes, est aujourd’hui envahi à moitié par les eaux, avec tout ce que cela comporte comme conséquences sur la santé des populations.
Dans le Ehidj, on n’ose même pas enterrer les morts sur place. Il faut prendre la pirogue pour aller faire le rituel dans l’île voisine de Ourong.
A Wendaye, les populations font recours à des moyens rudimentaires pour construire des digues de fortune pour essayer de réduire l’ampleur du phénomène. A Hitou et Niomoune des dizaines de kilomètres de digues ont été conçues à l’aide de sacs de sable grâce à une assistance de certains acteurs au développement.
Cette érosion côtière le long des îles du « Kassa » a eu également comme corollaire, la remontée de la langue salée sur la terre ferme et la réduction en conséquence des surfaces arables. Autant de préoccupations qui ont fini de hanter le sommeil de ces insulaires du Sud, qui n’hésitent plus de profiter de la moindre occasion pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur la problématique de l’érosion marine le long des côtes en Casamance.
Du côté de la Communauté rurale de Djimbéring, le Président du conseil, M. Tombon Guèye, compte poursuivre les actions, de concert avec les populations, pour renforcer les opérations de reboisement de palétuviers et autres espèces arboricoles le long des côtes afin d’atténuer le phénomène.
Déjà du Cap à Gnikine, des milliers de filaos ont été plantés par les populations durant l’hivernage dernier.
Un reportage de Seydou Prosper SADIO - Quotidien Le Soleil