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| Sujet: Afrique : le pont de la finance islamique Lun 22 Fév 2010 - 15:47 | |
| 21-02-2010 En Afrique, la finance islamique pourrait jouer le rôle d’un pont entre les pays à forte capacité de financement et les pays à fort besoin d’investissement, estime Mohamed Damak, co-directeur du Groupe de travail sur la finance islamique de Standard & Poor’s.
Propos recueillis par Hance Guèye
Les Afriques : Comment la finance islamique s’est-elle comportée pendant la crise financière ? A-t-elle été aussi concernée que le système financier international ? Qu’est-ce qui explique sa spécificité ?
Mohamed Damak : Les banques islamiques ont résisté à la première onde de choc de la crise (la crise financière) du fait de leur non-exposition aux produits d’investissement structurés basés sur l’intérêt, formellement interdits par la charia. Cependant, la baisse de la liquidité sur les marchés internationaux (notamment pour les banques d’investissement islamiques comme Arcapita ou Gulf Finance House) et la transformation de la crise financière en crise économique ont impacté la qualité des actifs des banques islamiques ainsi que leur rentabilité.
« Les banquiers conventionnels peuvent voir dans la finance islamique une opportunité de différenciation stratégique, dans des marchés sur-bancarisés par exemple. »
Ces impacts ne sont toutefois pas liés à la nature islamique des banques, puisque les banques conventionnelles ont aussi été impactées.
LA : Quelles sont les perspectives pour 2010 et les années à venir pour la finance islamique ?
MD : La finance islamique a continué à croître très rapidement en 2009 en dépit de la crise. Le total des actifs du top 500 des banques islamiques dans le monde est passé de 639 milliards de dollars en 2008 à 822 milliards en 2009, soit une augmentation de 28.6%. Le marché des sukuk a aussi connu une reprise avec un total d’émissions de 23,3 milliards de dollars en 2009, contre 14,9 milliards en 2008. A fin 2009, le total cumulé des émissions de sukuk atteignait 100 milliards de dollars.
Les perspectives restent positives pour la finance islamique. Il y a beaucoup d’intérêt dans certains pays musulmans (en Afrique et en Asie) et non musulmans (notamment en Europe) de créer des banques islamiques ou d’émettre des sukuk.
LA : En Afrique, comment la finance islamique a-t-elle évolué ? Y a-t-elle un rôle spécifique ? Se distingue-t-elle des autres modes de financement ?
MD : En Afrique, la finance islamique a connu quelques développements au cours des dernières années dans certains pays. Le Maroc a autorisé certains produits islamiques en 2007. En 2009, des ajustements fiscaux ont été proposés pour rendre ces produits aussi compétitifs que les produits conventionnels. En Tunisie, la Banque centrale a accordé une licence de banque universelle à une banque islamique à capitaux privés. Cette banque (Banque Zitouna) commencera son activité au cours du premier semestre 2010. La Gambie a émis une série de sukuk via sa banque centrale, bien que pour des petits montants. Le Nigeria a mis en place un cadre réglementaire régissant les banques islamiques, et il semblerait qu’il y ait un projet de création de banque islamique ou de conversion de banque conventionnelle. Au Kenya et au Soudan, des banques islamiques ont été créées.
Certains pays africains ont organisé des conférences pour attirer les experts en finance islamique et explorer les opportunités qui s’offrent à eux. En Afrique, la finance islamique pourrait jouer le rôle d’un pont entre les pays à forte capacité de financement et les pays à fort besoin d’investissement, notamment en infrastructure ou en immobilier. Certaines transactions ont été effectuées par des banques islamiques du Golfe dans ce sens.
LA : A quelles conditions la finance islamique peut-elle jouer un rôle à la mesure de son potentiel ?
MD : Plusieurs conditions doivent être remplies. La quantification de la demande : déterminer s’il existe actuellement une réelle demande pour la finance islamique en Afrique. Cela dépend certainement des pays et de l’intérêt que des clients naturels (les musulmans) ou clients non musulmans (qui pourraient être séduits par les principes de la finance islamique) pourront manifester pour la finance islamique.
Le soutien politique : la finance islamique ne peut se développer sans soutien politique. Ce soutien est manifeste dans certains pays, comme par exemple ceux qui ont autorisé la création de banques islamiques.
Le soutien de la communauté des affaires : l’expérience anglaise en la matière a démontré l’importance de ce soutien. Les banquiers conventionnels peuvent voir dans la finance islamique une opportunité de différenciation stratégique, dans des marchés sur-bancarisés par exemple.
Les ajustements fiscaux et réglementaires : pour permettre aux banques islamiques d’opérer dans un cadre plus comparable avec les banques conventionnelles (fiscalité, réglementation bancaire, etc.).
La mise en place d’actions correctives pour réduire les faiblesses structurelles de la finance islamique, notamment les différences d’interprétation de la charia. Au Maroc, par exemple, c’est la Banque centrale qui a mis en place les différents types de produits et structures admissibles.
Une main-d’œuvre qualifiée plus abondante. Certaines écoles ou universités européennes ont lancé des formations pour pallier cette insuffisance.
S’agissant du potentiel, nous pensons que la finance islamique pourrait aider les économies africaines à atteindre un double objectif : offrir à la clientèle des produits conformes à ses besoins et attentes, et attirer des investissements directs étrangers ou accéder au marché des sukuk en s’adressant à des investisseurs qui ne voudraient pas investir dans des produits conventionnels.
LA : Quelles sont les réformes que les pays africains ainsi que la finance islamique doivent faire pour mieux s’ajuster ?
MD : En tant qu’agence de notation, notre rôle ne consiste pas à conseiller les gouvernements sur ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire pour promouvoir la finance islamique. Cependant, l’expérience d’autres pays dans le domaine peut leur fournir des informations utiles quant aux différentes mesures à mettre en place pour faciliter l’émergence de la finance islamique dans leur pays.
Les Afriques
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