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| Sujet: Comment la gendarmerie lutte contre les cyberpédophiles Mer 17 Fév 2010 - 22:48 | |
| Par Guerric Poncet (à Rosny-sous-Bois)
Deux points de contrôle, deux vérifications d'identité : il faut montrer patte blanche pour entrer dans le fort de Rosny-sous-Bois. Cette place forte abrite le Centre technique et scientifique de la gendarmerie nationale. Un lieu hautement stratégique, puisqu'il reçoit notamment les scellés judiciaires pour analyses. Si le fort est immense, la pièce réservée au département de répression "atteintes aux mineurs sur Internet" est minuscule. Ils ne sont que six à y travailler, mais ils transmettent plusieurs centaines de dossiers par an à la justice. Leur cible : les pédophiles, qui essaient d'entrer en contact avec des enfants via Internet.
Infiltrations
Depuis début 2009, les officiers ont le droit de procéder à des cyber-infiltrations : ils peuvent créer de faux profils. "Lorsque nous nous faisons passer pour une jeune ado, nous recevons immédiatement des propositions crues, du type si tu veux voir ma b*te, branche ta webcam ", explique un gendarme. Les pédophiles intimident parfois leurs victimes, les menaçant de "pirater leur ordinateur si elles refusent de se masturber devant leur caméra", poursuit-il. Le tout peut être assorti d'une proposition de rendez-vous réel, qui constitue un élément aggravant aux yeux de la loi. Pour consolider leurs constats, les gendarmes rappellent plusieurs fois leur âge (fictif) dans les conversations.
Autre type de cyber-infiltration : la constitution d'un profil de pédophile. Les gendarmes se font alors passer pour un adulte à la recherche d'images illégales, et l'infraction a lieu lorsque d'autres internautes leur proposent des contenus. "Parfois, on nous propose même d'organiser des rapts d'enfants", soupire un gendarme. Selon les militaires, "pour l'instant, la justice a toujours traité" les dossiers fournis par leur unité. En revanche, lorsque deux mineurs s'échangent leurs propres photos dénudées, "il n'y a pas d'infraction", explique le lieutenant-colonel Permingeat, chef de la division de lutte contre la cybercriminalité (DLCC) , à une visiteuse exaspérée.
Le téléchargeur-diffuseur en ligne de mire
Autre domaine d'investigation : les réseaux de partage de fichiers, et notamment les réseaux peer-to-peer (P2P). Pour détecter les suspects, les gendarmes utilisent un logiciel qui permet d'identifier les connexions situées en France (compétence territoriale oblige) diffusant des contenus pédophiles. Avec la plupart des systèmes de partage de fichiers (eDonkey, utilisé par eMule, ou encore BitTorrent) le téléchargeur est automatiquement diffuseur, puisque les logiciels partagent automatiquement les parties déjà téléchargées du fichier, au cours du téléchargement. En d'autres termes, dès qu'un bout de fichier est sur l'ordinateur du téléchargeur, celui-ci le propose aux autres internautes, même si le fichier n'est pas encore complet. Un "consommateur" d'images pédophiles est ainsi, volontairement ou non, diffuseur de contenus.
Grâce à des mots-clés utilisés par les pédophiles, les gendarmes peuvent traquer les fichiers et les classer. Une fois l'internaute débusqué, ils envoient une réquisition au fournisseur d'accès à Internet afin qu'il fournisse le nom et l'adresse de l'abonné suspect. S'ensuit souvent une perquisition (non virtuelle) au domicile des internautes. Et c'est à chaque fois la même chose : de nouvelles images sont découvertes, et elles sont ajoutées à la gigantesque base de données des gendarmes, qui compile tous les documents pédophiles (photos et vidéos) connus, soit un million de fichiers. Les pièces des maisons perquisitionnées sont aussi prises en photo afin d'identifier d'éventuels "studios" de photographie pédophile, lorsque les décors d'arrière-plan se retrouvent sur d'autres photos. Un puissant logiciel de comparaison d'images permet d'identifier les "séries" de photos, prises dans un même lieu ou avec un même enfant.
Une évolution législative et des doutes
Le travail des cybergendarmes devrait être profondément modifié avec l'entrée en vigueur de la loi Loppsi 2. Ce texte, soutenu activement par les gendarmes, prévoit le blocage des sites pédophiles sur le Web français. Les fournisseurs d'accès à Internet devront interdire l'accès à certains sites pour leurs clients, en se fondant sur une liste fournie par le gouvernement. La lutte contre la pédophilie a beau faire l'unanimité au Parlement, l'intégration du filtrage d'Internet - une première en France - a été l'objet de débats houleux et de réactions dubitatives . Les expériences à l'étranger ont prouvé que le filtrage est inefficace , qu'il coûte cher et que les listes noires ainsi constituées "fuitent" systématiquement et sont publiées sur Internet, apportant une publicité inespérée aux sites pédophiles. D'autre part, les pédophiles ouvertement traqués se tournent vers des systèmes cryptés, plus difficiles à détecter, surtout lorsqu'ils seront noyés dans la masse des personnes qui souhaiteront contourner la nouvelle loi antipiratage. Avec Loppsi 2 et Hadopi, le travail des cybergendarmes sera certes modifié, mais pas forcément allégé...
Le 4e Forum international sur la cybercriminalité se tiendra les 31 mars et 1er avril à Lille. L'inscription est gratuite via Internet .
Le Point.fr
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