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| Sujet: L’Union internationale des avocats se penchent sur l’OHADA Lun 15 Fév 2010 - 11:26 | |
| 14-02-2010 L’Union internationale des avocats (UIA), créée en 1927, n’avait jamais organisé de conférence en Afrique subsaharienne. Ce sera chose faite avec le séminaire qui se tiendra à Dakar, les 19 et 20 février prochain.
Entretien avec Marie-Christine Cimadevilla, membre du Comité de direction de l’UIA et Alain Fénéon.
Marie-Christine Cimadevilla, membre du Comité de direction de l’UIA
Les Afriques : A quand remonte la dernière réunion en Afrique de l’UIA ? Qui devrait être présent au séminaire à Dakar ?
Marie-Christine Cimadevilla : Il y a très longtemps que nous n’avons pas organisé un séminaire en Afrique sub-saharienne. Le Barreau du Sénégal nous a invités à le faire à Dakar, ce que nous avons accepté. Nous serons environ 200 dont 50% d’avocats, 20% d’hommes et de femmes d’entreprises, 20% de juristes d’entreprises et 10% de personnalités de divers horizons. Environ les trois quarts des participants seront africains, la plupart étant membres de l’UIA.
LA : Quel est le regard de vos membres, notamment de droit anglo-saxon, sur l’OHADA ?
Marie-Christine Cimadevilla : C’est en train d’évoluer. Tout d’abord, il y avait une certaine méconnaissance de l’OHADA qui était perçue comme une initiative essentiellement française, plus ou moins imposée. Il y a donc eu un problème d’adhésion, même des professionnels de la zone OHADA. Mais l’expérience a aujourd’hui plus de dix ans et je pense qu’elle connaît une vraie reconnaissance intérieure et extérieure, même si on constate de nombreuses failles et insuffisances à la fois sur le plan des réalisations et sur ce qui reste à faire et à concevoir.
Alain Fénéon
Alain Fénéon : L’origine de l’OHADA c’est tout de même la réunion des chefs d’Etat africains de la zone Franc du 5 octobre 1992 à Libreville. C’est à leur initiative et à celle du président Abdou Diouf qu’est née le rapport fondateur de l’OHADA qui dit : les investisseurs étrangers n’ont plus confiance en l’Afrique parce que, notamment, nous ne sommes pas capables de présenter un droit moderne, cohérent, par rapport aux exigences du commerce actuel et il nous faut faire un effort.
Les pays francophones ont été concernés parce que justement l’ennui c’était les pays de la zone Franc ! Tous les Etats de la zone Franc ont adhéré à l’OHADA. La Guinée qui n’était pas membre de la zone Franc a aussi adhéré, ainsi que la Guinée Bissau et la Guinée équatoriale qui font partie de la zone Franc mais qui ne sont pas francophones. Dans son élaboration, les Etats africains ont été très fortement impliqués car ce sont des commissions nationales qui ont discuté les textes et les ont votés. Depuis 2000, les étudiants en Droit en Afrique n’apprennent que l’OHADA. Pour eux, c’est leur droit et ils le revendiquent. Il n’y a plus d’empreinte d’experts étrangers sur l’OHADA. Certes, il y a toujours des lenteurs dans l’appréhension d’un droit au travers des générations plus anciennes. Mais demain lorsque ces jeunes avocats et juges deviendront bâtonniers, chefs de Cour, chefs d’entreprises ou président de leur pays, il est certain qu’ils appliqueront encore mieux l’OHADA. Aujourd’hui, effectivement, les Etats trainent un peu des pieds. Mais c’est le droit de ces Etats.
LA : Quel bilan peut-on tirer des quinze années d’existence de l’OHADA ?
Alain Fénéon : L’objectif de sécurité juridique pour les entreprises et les commerçants, qui sont les utilisateurs de l’OHADA, est atteint. Les textes sont clairs, très largement diffusés, notamment avec les codes OHADA. Un deuxième chantier, qui sera celui des dix prochaines années, reste à ouvrir : celui de la sécurité judiciaire. Il consiste à ce que l’ensemble des Tribunaux et Cours d’Appel de l’espace OHADA appliquent convenablement ces textes et, au-delà, que le juge africain qui est aujourd’hui soumis à de nombreuses pressions, devienne ou redevienne un juge totalement indépendant, compétent et bien formé. La solution communautaire pourrait être une bonne solution. Je milite aujourd’hui pour la création, dès le premier degré de juridiction, d’un Tribunal composé de magistrats qui seraient des fonctionnaires à statut communautaire, rémunérés directement par l’OHADA, et soumis à un statut particulier les exemptant de toute relation avec leur Etat d’origine. Ces magistrats seraient indépendants, car ils ne siègeraient pas dans leur propre Etat, mais dans les autres Etats de l’espace OHADA. Ils pourraient être recrutés sur concours, sans qu’il soit tenu compte de quotas nationaux. Ils pourraient être de ce fait mieux formés et spécialisés, et ce d’autant que l’ensemble des juridictions du premier degré de l’espace OHADA pourrait être ramené à une trentaine de Tribunaux de Première Instance, et ce compris la République Démocratique du Congo, et à 17 Cours d’Appels (une par Etat). Telle est l’évolution vers laquelle il faut se diriger pour assurer la crédibilité et l’indépendance du système judiciaire OHADA.
LA : L’OHADA a été taillée sur mesure pour les grandes entreprises, notamment étrangères et peu pour les PME, le monde agricole qui monte en puissance et a fortiori le secteur informel…
Marie-Christine Cimadevilla : C’est aussi en train d’évoluer. Au départ, le projet OHADA était clairement destiné à assurer la sécurité juridique des investissements étrangers et de l’activité des grands groupes africains. Les choses ont changé car l’OHADA est la pratique quotidienne de tous les avocats, juges et de tous les juristes quelque soit la taille de l’entreprise. Si on parle de secteur informel et de petites PME, ce sont des acteurs économiques qui, en toute hypothèse, sont loin de la règle de droit car ils ont leur propre fonctionnement. Mais là aussi, il y a une évolution et un rapprochement. Mais si la règle de l’OHADA est commune, claire, et s’installe petit à petit, elle doit être complétée. Car un des défauts de l’OHADA aujourd’hui c’est que l’ensemble du droit de l’entreprise n’est pas couvert. On attend l’Acte sur le droit des contrats qui est en stand-by depuis longtemps maintenant et le texte sur le droit du travail qui est important pour les entreprises. Mais une fois qu’on aura complété et investi tout le territoire de l’activité de l’entreprise, le mouvement va se faire naturellement. D’autre part, la sécurité judiciaire est absolument nécessaire. J’ajouterais qu’il y a une pénétration de plus en plus importante de l’arbitrage mais aussi de la médiation. Tout ce mouvement est contemporain. Donc il y a une prise de conscience de la part des entreprises, des juristes d’entreprises, des avocats, qu’il est utile, nécessaire et bon de trouver des moyens de résoudre les différends autrement. Notamment parce que la sécurité judicaire n’est pas assurée, mais pas uniquement. Ce mouvement d’uniformisation du droit a favorisé les échanges entre les uns et les autres. Ce qui est aussi très positif c’est l’intérêt très vif à l’égard de l’OHADA porté par des intervenants extérieurs. Par exemple, en Chine, vous avez maintenant des réunions OHADA tous les mois, vous avez des universités dans lesquelles les Chinois étudient le droit OHADA, à Macao, à Pékin, à Shanghai. Ceci montre que les investisseurs chinois, dont on connaît l’importance sur le plan économique et politique, ont parfaitement conscience que c’est un outil, un passage obligé : celui qui ne maîtrise pas cette règle de droit uniforme est handicapé.
LA : La difficulté de faire sortir des textes importants implique-t-elle qu’il faille revoir le mécanisme de fonctionnement intérieur de l’OHADA ?
Alain Fénéon : C’est ce qui a été réalisé à l’occasion du Sommet de la Francophonie à Québec en 2008. Le Traité de l’OHADA a été amendé afin d’améliorer son organisation : la Cour commune de justice et d’arbitrage a été dotée de magistrats supplémentaires ; le rôle des Commissions Nationales a été renforcé, un Conseil des chefs d’Etat a été créé afin de dynamiser le fonctionnement de l’Institution. Par ailleurs, un programme de révision des textes a été lancé à l’initiative du Secrétariat permanent et de la Banque mondiale. Des Experts ont travaillé sur les projets de révision et les Commissions Nationales vont se réunir au cours de l’année 2010 pour examiner leurs rapports et améliorer certains textes. Enfin, s’agissant du projet d’Acte Uniforme sur le Droit du Travail, on se doit de constater son absolue nécessité : de grandes entreprises étrangères, mais aussi africaines, sont parfois victimes de décisions judiciaires scandaleuses. L’entrée en vigueur d’un Acte Uniforme sur le Droit du Travail constitue une solution évidente, car il permettrait d’imposer aux Tribunaux et aux justiciables des règles intangibles, et donc une prévisibilité du risque juridique. La rédaction de cet Acte Uniforme est par contre beaucoup plus délicate que celle des autres Actes : il convient en effet de trouver une harmonie entre les positions des entreprises, des salariés et de l’Etat. Ce dénominateur commun dans un Droit paraissant « conflictuel » est difficile à trouver. Au surplus, le Droit du Travail doit rester vivant ; il suppose de pouvoir « respirer » et s’adapter à l’évolution des relations sociales. Il faut là encore trouver une solution pour pallier à la rigidité de l’Acte Uniforme en privilégiant notamment le rôle des conventions collectives nationales ou de branche. Là encore, le séminaire de Dakar peut être l’occasion de recueillir les avis et suggestions des praticiens sur ce sujet.
LA : Qu’attendez-vous de la conférence de Dakar ?
Marie-Christine Cimadevilla : Si vous prenez l’exemple du blocage du texte sur le droit des contrats, deux conceptions s’opposent : ceux qui considèrent que le projet soumis est un projet imprégné de Common Law et ceux qui pensent, au contraire, que c’est une chance d’avoir un texte plus ouvert, plus international, qui permet une adaptation et fait le lien avec des traditions de Common Law. A Dakar, nous voulons permettre aux uns et aux autres d’exprimer leurs points de vue. C’est pour ça que nous avons demandé à des juristes africains, des femmes et hommes d’affaires africains, à des professeurs de droit africain, à des autorités africaines mais aussi à des juristes nord-américains, à d’autres qui exercent en Chine de venir et de nous donner leur point de vue. Ils ont tous un point commun : un véritable intérêt pour le projet OHADA. Au fond, que ce soit en Afrique, en Europe ou ailleurs, nous, praticiens, nous sommes soumis à des problématiques qui sont très proches sur des terrains très différents. C’est là qu’à l’UIA, à Dakar, nous pouvons rapprocher les points de vue, confronter les expériences et peut-être à l’issue du séminaire faire une petite synthèse.
LA : Quels seront les deux ou trois points clés qui seront débattus à Dakar ?
Marie-Christine Cimadevilla : Un point important sera l’insertion du droit OHADA au sein du droit international, des grandes conventions internationales. C’est important au plan pratique et symbolique. Le règlement de litiges est aussi très important : arbitrage, médiation, règlement judicaire. Car on aura des officiels de l’OHADA, les bâtonniers de tous les Etats membres de l’OHADA, des confrères venant de pays non OHADA notamment, sans doute, une très grande représentation nigériane et d’Afrique du Nord. Dans ce cadre, on va pouvoir échanger des expériences, dire très clairement : nous avons des textes mais nous avons du mal à les mettre en œuvre parce qu’il y a des freins. Et un des freins, c’est la corruption. Comment puis-je faire, moi, avocat, représentant d’entreprise, pour m’en sortir alors que je sais que je suis dans un contexte où la corruption présente un obstacle et je ne veux pas rentrer là dedans. Ai-je des solutions ? A Dakar dans le cadre de l’UIA, nous sommes dans un lieu unique car nous n’intervenons pas dans un dossier particulier, mais nous avons des interlocuteurs que nous pouvons interpeller.
Propos recueillis par Bénédicte Châtel
Qui fait quoi ?L’Union internationale des avocats, créée en 1927 par des avocats européens, comprend des membres individuels et collectifs, c’est-à-dire les barreaux (plus de 200), des associations et des fédérations relevant tant du droit romain que de la Common Law anglo-saxonne, soit plus de deux millions d’avocats dans 110 pays. L’UIA s’affirme comme étant plurielle avec pour langues officielles le français, l’anglais, l’espagnol, l’allemand, l’italien, l’arabe et le portugais et pour langues de travail le français, l’anglais et l’espagnol. A titre de comparaison, son pendant anglo-saxon, l’International Bar Association, créée en 1947, compte 35 000 avocats et 197 barreaux et structures juridiques. L’UIA organise le séminaire de Dakar avec l’aide de l’Unida qui envoie un certain nombre d’orateurs. Le séminaire est financé par les droits d’inscriptions des participants non-africains, par la Banque africaine de développement et la Facilité africaine de soutien juridique.
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