Identité nationale, même à Dakar le débat fait rage

Au Sénégal, la politique française est suivie avec beaucoup d’attention notamment par les très nombreux auditeurs de RFI (Radio France internationale).

Le débat français sur l’identité nationale irrite chaque jour davantage les médias locaux. Plus de 100 000 Sénégalais vivent en France.

Difficile de passer sous silence ce débat qui fait monter la température à Dakar. Ainsi Barka Ba, le rédacteur en chef du quotidien Kotch a décidé de répondre dans son journal à la secrétaire d’Etat française, Nadine Morano.

Il s’est fendu d’un éditorial au vitriol. Signe des temps. Les esprits s’échauffent de Dakar à Paris.

Dis Nadine, « Casse toi, pov’con », c’est du verlan ?

On attendait le premier dérapage verbal dans le débat sur l’identité nationale lancé par Eric Besson, transfuge de la gauche devenu l’une des stars montantes du sarkozysme.

La secrétaire d’Etat française à la famille, Nadine Morano, choisie dans le casting gouvernemental pour représenter la femme modeste proche du peuple au langage direct, a lâché une phrase qui démontre jusqu’où le caudillo de l’Ump et ses troupes sont prêts à aller pour récupérer des voix du Front national.

Dans la perspective des élections régionales qui ne sont pas gagnées d’avance par la droite, Nicolas Sarkozy, en dépit de réserves exprimées par beaucoup d’hommes politiques, y compris au sein de sa propre famille politique, a décidé d’organiser un débat qui risque d’ouvrir la boîte de Pandore dans un pays qui a échappé de peu au pire avec les émeutes dans les banlieues en 2005.

Faisant le portrait-robot du jeune musulman français, Nadine Morano a déclaré : «Ce que je veux, c’est qu’il se sente français lorsqu’il est français, qu’il aime la France, quand il vit dans ce pays, qu’il trouve un travail, qu’il ne parle pas le verlan et qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers ».

Ainsi, comme le redoutaient ceux qui ont critiqué ce débat sur l’identité nationale, la preuve est faite que l’amalgame est sciemment entretenu entre immigration et islam.

A en croire Nadine Morano donc, le jeune musulman type, c’est ce petit gars insupportable qui a le culot de porter une casquette à l’envers et qui, de surcroît, suprême insulte, baragouine un sabir incompréhensible dénommé verlan !

Comment un jeune de banlieue pourrait-t il aimer la France lorsque, s’appelant Mamadou ou Mouloud, on refuse systématiquement de lui louer un appartement ?

Comment ces mêmes jeunes peuvent-t-il se sentir français quand on leur interdit systématiquement l’entrée dans les boites de nuit sans compter les contrôles incessants parce qu’ils présentent pas le « bon » faciès ?

Est-il facile pour des jeunes qui sont confinés dans des lycées pourris dénommés pudiquement « Zones d’éducation prioritaires » de chanter la Marseillaise avec enthousiasme et de se reconnaître dans une Nation qui emploie 9 joueurs de couleur sur 11 dans son équipe nationale mais compte une Assemblée nationale où les députés sont presque exclusivement « gaulois » ?

Il y a quelques années, l’auteur de tels propos aurait immédiatement été obligé de rendre le tablier.

Mais depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, on peut vitupérer sans crainte les « moutons égorgés dans les baignoires » et autres « racailles ».

Choquée par l’emploi du verlan par Mouloud, Mamadou et compagnie, on se demande ce que pense Nadine Morano, la puriste de la langue de Molière, d’un président de la République qui, répondant à un courageux quidam qui refuse de lui serrer la pince, lui lance : « Casse toi, pov’con ! »

Barka BA - Le Monde

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