julie .:::|| ami ||:::.
Nombre de messages : 6903 Age : 62 Date d'inscription : 19/12/2006
| Sujet: Quel demain sommes-nous entrain de promouvoir ? Jeu 23 Oct 2008 - 22:34 | |
| Dimanche 23 mars 2008, alors que j’allais en mission, je tombe sur une scène qui n’a pas fini de me traumatiser. A la sortie de Mbour, un enfant, un talibé de 6 ans environ, jonchant sur terre, luttant pour la vie après avoir été sauvagement heurté par un bus. | | J’ai décidé de parler au peuple Sénégalais. Qu’est ce qui explique ce silence ? De quoi avons-nous peur ? Pourquoi nous occupons nous de tout, sauf de l’essentiel ? Dois je me résoudre à accepter que nous n’avons pas d’Etat fort capable de dire halte à l’injustice et au laisser aller ? Pauvre chauffeur condamné à porter le chapeau, pourtant ayant tout fait pour éviter le pire. Me revient alors constamment à l’esprit la parole de grand-mère « so a fergitiima a yani, woto yeew do njanda do, yeew do pergitida do ». Ce proverbe pulaar veut dire en français : « si tu tombes, ne cherche pas là où tu es tombé, cherche ce qui t’a fait tombé ». Qui sont à l’origine de cette insécurité dont les enfants sont victimes ? J’ai pensé en premier lieu à ces parents complètement dépassés par les événements, tenaillés par des forces obscures, comme possédés par les affres de la pauvreté, incapables d’analyser le présent pour mieux envisager le futur, traqués par le quotidien, noyés dans des croyances de toutes sortes. Il y a des comportements qui ne peuvent être que la résultante de l’ignorance. Sinon, comment veut-on nous faire croire que pour apprendre le coran il faut mendier. Pourquoi les enfants sont – ils obligés de souffrir en ville pour étudier ? Sommes-nous entrain de cautionner l’inacceptable ? |
J’ai ensuite pensé à tous ces adultes véreux qui utilisent les enfants en toute impunité. Une fois, une femme, dans la nuit, en période de froid glacial, se pointe sur la route entrain de mendier un bébé dans les bras. Ce bébé, de quoi est–il coupable ? Plus loin, une petite fille en âge d’aller à l’école guide un aveugle entrain de mendier ? Cette petite fille est –elle condamnée à mendier demain ?
A chaque fois que je pose ce problème devenu banal à Dakar, on me rétorque que ces gens là ne sont pas des Sénégalais, ce sont des Maliens. Et l’Union Africaine qu’est ce que cela signifie pour nous ?
Que dire des gens de ma religion ? Quelle société islamique voulons-nous promouvoir ? La société islamique que nous sommes entrain de montrer à la face du monde n’est–elle que du « ngistal » (voyez-moi), histoire de capter des sous. De toutes les manières, c’est maintenant clair dans ma tête, tout le monde fait du « ngistal » religieux dans ce pays. On ne donne l’aumône que parce que c’est mystiquement recommandé. On n’aide autrui que pour du « voyez-moi ». Et pourtant que de barbes, de voiles, de caftans et de longs chapelets pour clamer son islamitude.
Les mosquées sont –elles véritablement pour nous des maisons de Dieu. Si nous sommes capables d’édifier des mosquées à tout coin de rue pour épater « ROOG» (Dieu chez mes cousins sérères), logeons-y les daaras pour accueillir les enfants du quartier ou du village concerné pour qu’ils restent à coté de leurs parents. Organisons une solidarité autour de ces daaras pour prendre en charge le maître coranique. Sommes-nous devenus les ennemis de Dieu ?
Nos enfants doivent ils être les victimes de cette pauvreté infernale ? Doivent-ils continuer à être les victimes de ce malaise social ambiant ?
A chaque fois qu’il y a crime sur nos enfants, on nous rétorque que « Yallaa ko dogal » (c’est Dieu qui en a décidé ainsi). Comment pouvons-nous continuer à considérer « Yalla » comme Celui qui est responsable de Tout et les personnes comme des responsables de rien.
Que dire de l’Etat ? Cet Etat impuissant, ravalé au rang de parti, comme pris en otage par des intérêts égoïstes. Cet Etat incapable de dire non à l’exploitation des enfants, incapable de réprimer toute velléité de sacrifice de l’avenir du pays. Cet Etat intéressé, incapable de ramener à l’ordre ce désordre ambiant. Cet Etat incapable d’appliquer la loi. Cet Etat à l’arbitrage défaillant qui inhibe toute possibilité de recours. Cet Etat peureux et hésitant comme pris en otage par des forces obscures. Cet Etat obnubilé par des rentes politiques. A quand la fin du règne de l’impunité ?
Quand allons-nous différencier l’Etat et le parti ? Quand allons nous prendre enfin des décisions courageuses pour le bien du peuple, protéger les enfants « te yalla tax » ? Quand allons-nous cesser de reculer dans la prise de décisions salutaires pour des raisons électorales.
Je ne veux pas être citoyenne de parti, je veux être citoyenne de l’Etat du Sénégal quel que soit le parti au pouvoir.
En tant que citoyenne et mère, je voudrais demander à tous les Sénégalais et à toutes les Sénégalaises, d’intercéder en faveur des enfants pour que jamais plus, ils ne soient laissés en rade dans cette jungle qui ne finit d’en faire des victimes.
Le Ministère de la famille doit veiller à l’application des textes. Et pourtant, il ya des textes. Chaque jour, on vote des lois qui finissent aux oubliettes, on signe des décrets jamais appliqués, à chaque instant, on prend des arrêtés qui n’arrêtent rien.
Ces enfants qui trainent dans les rues sont en majorité issues de familles démunies. Pour aider ces familles à s’en sortir, il faut : rendre obligatoire et accessible l’école ; mettre en place des daaras de proximité même s’ils ne sont pas modernes. Si on modernise un daara alors que la majorité des enfants sont loin de leurs parents, on n’a pas réglé le problème des enfants (véritable cible), on a plutôt réglé le problème du marabout (cible secondaire) ; instaurer une véritable Politique de Solidarité Nationale ; s’attaquer aux mécanismes qui engendrent la pauvreté.
Si j’ai été impolie, je voudrais m’en excuser auprès de tous les Sénégalais et de toutes les Sénégalaises sans distinction. Je tenais simplement, en tant que citoyenne, à tirer sur la sonnette d’alarme et à exprimer mon indignation face à cette situation inacceptable.
Quand j’ai vu cet enfant agonisant sous le regard triste de ses petits camarades, j’ai énormément souffert en tant que mère. J’ai pensé à l’avenir de ces enfants en sursis, j’ai imaginé ce que sera la souffrance de la mère de cet enfant. Cette mère qui a perdu à cause de la négligence coupable de mon peuple, de mon Etat. Hélas ! Quel gâchis.
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