À travers une exposition et un livre, « Poteries africaines figurées modernes », le chercheur Philippe Brissaud présente sa collection. Des terres cuites contemporaines venues d’Afrique noire qui nous font découvrir un artisanat très inspiré !Par Bachar RahmaniFan de céramique africaine, Philippe Brissaud – accompagné de son épouse, Colette Mendes, aujourd’hui disparue – collecte depuis une trentaine d’années des terres cuites auprès de marchands d’art, essentiellement camerounais, opérant sur le marché parisien. Ce fin connaisseur dispose d’une carte de visite plutôt sympa : ingénieur de recherche à l’École pratique des hautes études (section des sciences religieuses), il est codirecteur du centre Wladimir-Golenischeff, directeur de la mission française des fouilles de Tanis (delta égyptien) depuis 1985 et président de la Société française des fouilles de Tanis depuis 1988.
Il a déjà consacré un ouvrage à la poterie, Les Ateliers de potiers de la région de Louqsor (Le Caire, Institut français d'archéologie orientale, 1982), et renouvelle l’exercice en publiant, chez Actes Sud, un beau livre broché : Poteries africaines figurées modernes. Ce catalogue a été réalisé à l’occasion de l’exposition organisée à l‘arsenal-musée de Soissons (dédié habituellement à l’art contemporain)* et reproduit une partie de la collection Colette Brissaud-Mendes. La présentation au public, pour la première fois, de cet ensemble de poteries modernes est venue combler un vide – on n’a pas l’habitude de voir la céramique africaine chez les marchands d‘art « officiels » et encore moins dans les salles d'exposition.
Pour apprécier cet art africain destiné « aux amateurs et aux curieux », il faut se détacher de toute connaissance ethnologique, car chaque œuvre a une fonctionnalité sociale et est chargée des valeurs culturelles de son créateur. Mais, insiste Philippe Brissaud, « chacun y trouvera ce qu’il aura accepté d’y voir ».
Les objets exposés, environ 100 céramiques, sont de facture assez récente et proviennent des pays du golfe de Guinée (Cameroun et Nigeria) et d’Afrique centrale (République démocratique du Congo). Un premier espace a été dédié à la poterie des communautés : Mambila, Bamileke, Tikar, Mumuye et Yoruba (Cameroun, Nigeria) ; un second aux productions des Mangbetu (République démocratique du Congo).
Le parti pris est celui de présenter « des figurations fixées sur une sphère, afin d’associer sculpture et récipient fermé ». Cette collection est remarquable pour ses terres cuites de grand format (jusqu’à 80 centimètres de hauteur), dont un vase à trois globes surmonté d’un quatrième, chacun orné d’une figure anthropomorphe, provenant du pays mangbetu.
En Afrique, les potiers – ou devrait-on dire les « potières », puisque la poterie reste souvent une affaire de femmes, chez certains c’est même un don divin qui leur a été fait – ignorent le tour. C’est pourquoi les parois sont souvent montées par la technique du colombin. La décoration géométrique est pratiquée par incision, rappelant la scarification du corps des hommes, et elle est presque toujours peinte. Quant à la cuisson, elle s’effectue sans four, en foyer ouvert.
À partir de formes utilitaires traditionnelles (plats, marmites, cruches, jarres, vases globulaires…), les potiers, mêlant inventivité et technique, ont créé des œuvres d’art uniques. Chacune est richement décorée de symboles : buffles, éléphants et panthères, ou encore batraciens et volatiles, formes anthropomorphes, personnages à deux têtes…
Un digne héritage des figurines d’argiles du Mopty (Mali), d’Ife (Nigeria) et du pays du Sao (Tchad), sans oublier les plus anciennes, celles de la civilisation nok retrouvées à Jos (Nigeria, ier millénaire).
Cette production prouve une fois de plus, si besoin était, la vitalité et l’authenticité de l’art africain contemporain. De quoi susciter des vocations, non ?
Alors, avis aux collectionneurs de tous bords pour que vivent les artistes et artisans du continent !