un peu de musique : un peu de magie Dans la nuit du 2 au 3 août, le Festival « Cités sonores » est demeuré fidèle au mythe de sa scène fétiche, le jardin public de Mermoz. Point de forteresses imprenables, l’on oublie tout ce qui nous sépare. Facile comme un coup de baguette magique…
Dans le silence de la nuit, point d’autre musique que le rire des enfants…Et c’est à lui que répond l’écho, portant sa mélodie au souffle du vent. Dans le secret de la confidence, les étoiles sont seuls témoins, seule intrusion tolérée. Car ils sont venus les premiers, les tout-petits, foulant de leurs pas le sable d’un jardin que quelques trous de gazon, plantés ça et là, empêchent encore de paraître trop nu. Et l’estrade, dans ce décor dépouillé, charrie quelque chose d’étrange, sorte de petite touche qui fait tache. L’on penserait presque bal poussière… Livrés à eux-mêmes, les instruments de musique opposent aux spectateurs innocents le froid d’un mutisme rebelle. Vides ou occupées, plusieurs chaises bravent le ciel.
Mais le spectacle se refuse encore, plongeant les lieux dans une infinie torpeur. Entre-temps, les enfants se sont assoupis et les petites têtes retombent doucement sur le dossier des sièges. Lorsqu’ils se réveillent, l’air se fait musique. Timidement d’abord, au son d’une guitare ou d’un tam-tam qui accordent leurs voix, puis un peu plus fort…Le jeune public se laisse bercer par des sonorités à l’accent populaire où il suffit de savourer, de se laisser porter par l’irrésistible cadence, le plaisir est gratuit. Sur scène, l’on évoque l’amour dans les yeux d’une femme et le texte d’un Pape Ndiaye Thially se prête au jeu de petites formules savoureuses, d’onomatopées aussi. L’on rit sans comprendre, parce que c’est comme cela. Quelques pas de danse donnent à l’ensemble une petite note comique qui arrache aux enfants de grands éclats de rire. Sans retenue…
Il suffit seulement…D’un artiste à l’autre, l’on se laisse aller à ce que la musique a de plus accessible. Chacune des chansons se ramène aisément au singulier, on se laisse conter sa petite histoire et forcément, cela crée des liens. Facile lorsqu’on évoque avec Gorgui Ndiaye l’amour d’une mère par exemple, le petit plus qui émeut le cœur et bouleverse l’esprit. Point de barrière alors entre lui et les autres qu’il rejoint allègrement : les enfants savent répondre à la légèreté de son pas.
Mais la douleur, elle aussi, sait se faire confidence. Les mots des rappeurs de 2BM se noient dans les larmes d’un peuple déçu. Rien de pire qu’une « nation sans espoir », trahie par ses élus. Il y a des choses qui ne se perdent jamais, il suffit seulement d’effleurer l’émigration clandestine ou d’égratigner la « culpabilité d’un gouvernement incapable ». Dans la tête, les mots ont valeur d’images- chocs.
Finalement, l’on fait à peine la différence entre l’artiste et son œuvre et pour le jeune public, c’est sans doute la même chose. Derrière un petit air que l’on fredonne sans compter, souvent quelques notes à peine, l’on reconnaît l’un ou l’autre de ces visages de la télé venus souscrire à une immersion temporaire. Dans les yeux de ces invités, la joie se teinte de surprise parce que le public connaît la chanson… Pour les trois jeunes femmes du groupe Alif, il y avait un peu de cela. Et quand on se nomme Abdou Guitté Seck ou Yoro Ndiaye, il suffit souvent…d’être là.
Et les petits visages de la télé se donnent en grandeur nature, ils sont sans doute trop beaux pour être vrais. Présence peu probable quand on pense au dénuement des lieux, c’est peut-être cela la magie…
Théodora SY ( Stagiaire) SUD QUOTIDIEN , lundi 4 août 2008