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’’Je suis toujours au Sénégal et j’ai la conviction de faire de la musique de qualité’’Quand on lui fait la remarque qu’il est quasi absent de la scène musicale sénégalaise et semble ainsi privilégier l’étranger, le sympathique Ismaël Lô, surpris et un tantinet agacé, réplique qu’il réside pourtant au Sénégal où il continue à sortir des albums, à l’image de son dernier intitulé ’’Sénégal’’ et dans les bacs depuis l’année dernière.
Pourquoi beaucoup de ses compatriotes feignent-ils d’ignorer cette réalité ? Iso donne d’abord sa langue au chat, puis dans un large sourire : ’’si vous le journaliste me faites la même remarque, je crois que je vais finir par avoir la conviction que je ne suis jamais là (Ndlr, au Sénégal)’’. En vérité, s’empresse-t-il d’ajouter, il n’en est rien, même si quelque part ’’je suis quelqu’un de très discret’’.
’’Ce n’est pas vrai que je privilégie l’étranger par rapport à mon pays’’, insiste le musicien avant d’ajouter que peut-être ses activités qui le forcent ‘’à partager’’ son ‘’temps entre le Sénégal et le reste du monde’’ lui ‘’portent préjudice’’ aux yeux de ses compatriotes qui ont l’impression de le voir de moins en moins.
En tous les cas, Ismaël Lô persiste pour dire qu’il poursuit sa carrière et on a beau jaser, il revient toujours dans son port d’attache, son pays le Sénégal où dit-il, ‘’je dépense et j’investis tout ce que je gagne à l’étranger’’.
A ce propos, il révèle que grâce à la musique il a pu satisfaire ses deux autres passions : l’éducation et l’agriculture. Ainsi, depuis 2000, il a ouvert sur fonds propres une école privée élémentaire ‘’Tata Fa’’ du nom de sa femme qui la dirige d’ailleurs avec bonheur car pour cette année 80 pour cent des élèves de CM2 ont réussi à l’entrée en sixième.
Parallèlement, l’interprète du scintillant ‘’Baykat’’ (paysan, le titre préféré des Français, dit-il) possède et cultive un champ à Sangalkam, pas loin de Rufisque, sa ville natale. C’est, confie-t-il, en droite ligne d’une éducation un peu à la paysanne car enfant, il participait à l’exploitation du potager familial.
Plus attaché que jamais à la musique, son gagne-pain, Ismaël Lô dont la discographie est forte de 22 albums est déterminé à poursuivre et affiner son art, même si, reconnaît-il, son style fait d’un mélange d’acoustique et de ‘’mbalax’’ ne semble pas cadrer avec les airs du temps qui versent généralement dans un ‘’mbalax pur et dur’’.
Loin de jeter la pierre à qui que ce soit dans ce semblant de désamour avec le grand public —‘’je prends tout sur moi’’, indique-t-il—, Ismaël Lô souligne que pour ce qui le concerne il ‘’persiste et signe’’ dans l’idée qu’il fait ‘’de la musique de qualité’’.
’’Je laisse le temps au temps. Si je suis content de moi, cela me suffit’’, ajoute l’interprète de ‘’Jigeenu ndakaru’’ qui ne peut s’empêcher, quand on lui rappelle le temps où ses titres étaient sur toutes les lèvres et au box-office des radios, de penser qu’on veut constamment le ramener en arrière.
’’J’ai comme le sentiment qu’on veut me faire régresser’’, proteste Iso avant d’ajouter sur un ton résolu : ‘’à partir des années 90, j’ai laissé parler mon cœur et ainsi je suis resté sur la même logique’’ consistant à jouer de plus en plus une musique mâture et reflétant son feeling. Et puis, souligne-t-il comme pour vous prendre à témoin, le mbalax ne se vend pas tant que ça.
’’Cela ne veut toutefois pas dire que je lui tourne le dos’’, relève le musicien avant de souligner que pour peu qu’ils l’écoutent bien ses compatriotes peuvent se retrouver dans ses chansons à l’image du ministre chef de cabinet du président de la République, Pape Samba Mboup, et du député maître El Hadj Diouf qui, vendredi à Chicago, n’ont pu résister à un des morceaux de son dernier album qu’il jouait en play-back.
Entraînant dans leur sillage beaucoup d’Américains invités à la soirée de gala de l’Association nationale des journalistes noirs (NABJ) de Chicago, ils ont fait danser presque toute la salle, malgré la solennité de la cérémonie présidée par le Chef de l’Etat.
’’Pourtant, je n’ai demandé à personne de se lever pour danser’’, relève dans un sourire narquois Ismael Lô, comme pour faire constater que sa musique peut autant se prêter à l’écoute qu’à la danse. Tel que l’aiment les mélomanes raffolant du ’’mbalax’’ intégral.
Dernière confidence de l’auteur de ’’Jammu Africa’’ —un titre aimé du président algérien Abdel Aziz Bouteflika—, c’est parce qu’il est à l’écoute de ses compatriotes qu’il est arrivé à reprendre en l’adoucissant ‘’Jigeenu Ndakaru’’, un hit interprété du temps du Super Diamono et où il fustigeait la propension des Dakaroises au gaspillage dans les cérémonies familiales.
Ce titre, étrangement, lui a été inspiré par la vision des femmes casamançaises travaillant sans relâche dans les rizières au moment où leurs sœurs de la capitale papotent dans les salons de beauté et s’attifent de paillettes et d’or pour se rendre aux mariages et autres baptêmes.
Quelques années après, la reprise du hit a donné des paroles moins critiques, vantant plutôt la hardiesse des femmes d’affaires sénégalaises. ’’Vous savez, explique-t-il, quand je chantais pour la premières fois +Jigeenu ndakaru+ je n’avais même pas pris un avion. Mais maintenant, j’ai visité le monde et j’ai vu nos femmes. Elles se battent (…) Elles ne gaspillent pas toutes’’.